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L'autoroute de demain sera-t-elle électrique ?


Electrifier les autoroutes pour y faire rouler des camions ? La Suède l'expérimente et la France y réfléchit.



Les transports sont à l'origine de 29 % des émissions de CO2 du territoire français.

  En cause, le poids prépondérant des véhicules thermiques. Les faire rouler à l'électricité compte parmi les solutions pour décarboner ce secteur, sous réserve que le courant consommé ne provienne pas de sources fossiles. Mais tandis qu'une voiture électrique peut atteindre 300 kilomètres d'autonomie, la question est plus compliquée pour les poids lourds, à cause du poids et du coût des batteries qui seraient nécessaires, indique Bernard Jacob, de l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar).

Trois technologies à l'essai



D'où les projets d'« autoroutes électriques » aujourd'hui à l'étude. Le courant serait fourni en continu par la route elle-même, permettant de pallier l'insuffisance des batteries sur les trajets longue distance. Avec, pour éviter les ruptures de charge entre les tronçons électriques et les autres, un recours aux camions hybrides.

Trois technologies existent. Les caténaires constituent la première. A l'instar des trolleybus, les véhicules y sont reliés par des pantographes. Un tronçon expérimental de deux kilomètres existe depuis l'été 2016 en Suède. Il est né dans le cadre d'un projet réalisé en commun avec l'Allemagne, avec l'implication de Siemens, et avec les Etats-Unis, qui testent de leur côté une liaison entre les ports de Los Angeles et de Long Beach.

La conduction est une deuxième solution. Comme pour le tramway de Bordeaux, un rail au sol fournit le courant via un patin placé sous le véhicule, la mise sous tension ne se faisant qu'à ce point de contact, donc sans risque d'électrocution.

Dernière piste, l'induction : des bobines magnétiques installées sous le véhicule et sous la chaussée échangent de l'électricité lorsqu'elles se trouvent l'une au-dessus de l'autre. Ce système fonctionne déjà pour des recharges statiques d'autobus, pendant la descente et la montée des passagers,    notamment en Allemagne.  

En France, une étude de faisabilité est en cours dans le cadre d'un appel à projets de l'Ademe : il s'agirait d'équiper, avec cette dernière technologie, un tronçon autoroutier de 131 km entre Paris et Le Havre.

Problème de réglage



De tels projets sont-ils rentables ? Cela dépend, d'une part, du prix du gazole et, d'autre part, du trafic. Selon le cabinet de conseil Carbone 4, avec un prix du diesel routier de 1,15 € hors TVA (contre 1,01 € aujourd'hui) et un trafic moyen de 8 100 poids lourds par jour (observé sur 3 200 kilomètres d'autoroutes, soit un tiers du réseau), le coût de la tonne transportée sur autoroute électrique est égal au coût actuel, y compris les dépenses d'investissement dans l'équipement de la voirie et l'achat de véhicules hybrides. Les transporteurs pourraient ainsi supporter les charges d'infrastructure avec les économies réalisées sur le carburant. Si les conditions de densité du trafic et de prix du gazole n'étaient pas réunies, des soutiens publics seraient nécessaires, que Carbone 4 évalue entre 50 et 100 euros la tonne de CO, évitée.

Pour Guy Fremont, de la Sanef, qui exploite une partie du réseau autoroutier français, ces autoroutes pourraient se développer dans cinq à dix ans, « s'il n'y a pas de rupture dans la technologie des batteries ». Pour l'heure, on en est encore au stade de la recherche et de nombreuses questions sont à régler. Jacques van Wittenberghe, de l'Observatoire de l'innovation dans l'énergie, souligne des difficultés de gestion du trafic si la voie de droite électrifiée devait être saturée de camions hybrides roulant en convoi. François Colet, de l'institut Vedecom, partie prenante d'un projet européen d'étude des routes électriques, insiste, lui, sur un nécessaire développementde solutions communes aux    poids lourds et aux voitures.

Source: Alternatives économiques Juin 2017 Bénédicte Weiss