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Claude Weil à propos des Insoumis soumis à Mélenchon.

 

Il ne faut jamais perdre une occasion de s'instruire. Du discours fleuve prononcé dimanche à Marseille par Jean-Luc Mélenchon, un Mélenchon bronzé, reposé, au meilleur de sa forme, nous retiendrons que dans le Jura, le mot « chenil » (prononcer ch'ni) désigne un tas de poussière.
Le chenil, c'est Emmanuel Macron.


Citation: « Le peuple français ne lui a pas donné les pleins pouvoirs, il s'est débarrassé de ceux dont il ne voulait pas (...). Il a balayé le parti de M. Sarkozy. Il a balayé le parti de M. Hollande. Et il a balayé le FN au deuxième tour. Et, à la fin, il restait le 'chenil; comme on dit dans le Jura, et c'était lui. »


Sous la formulation plaisante, polémique, et délibérément blessante, on aura reconnu un argument clé de la rhétorique « résistancialiste » qui depuis des semaines et des mois tourne en boucle sur les réseaux « insoumis »: au fond, les Français n'ont pas vraiment voulu élire Macron. Ils l'ont choisi par défaut ou par méprise. Regardez son modeste score du premier tour: son accession à l'Elysée n'est qu'un malentendu, voire le fruit d'une sombre machination ourdie par les puissances d'argent, l'oligarchie financière et les médias aux ordres (forcément aux ordres).
Bref, c'est un président illégitime, et donc sont illégitimes les réformes qu'il prépare et dont les Français ne voulaient pas. Résistance !


Loin de nous de vouloir ici nous faire l'avocat d'Emmanuel Macron. Il n'en manque pas, et de plus qualifiés. Ni de contester à Jean-Luc Mélenchon le droit de combattre les projets de l'exécutif. C'est la règle du jeu démocratique.


Ce qui nous semble beaucoup plus problématique, et pour tout dire inquiétant, c'est que cette rhétorique de combat, déclinée sous tous les registres jusqu'aux plus outranciers (n'a-t-on pas entendu Mélenchon, toujours à Marseille, dénoncer le pouvoir des « tyrans » - sic -, appeler « les gens » à « se rebeller », terme pour le moins ambigu, opposer la « démocratie de la rue » au verdict des urnes, et même oser un odieux parallèle entre le « déferlement » des Marseillais qui ont chassé la Wehrmacht en 1944 et le « déferlement » qu'il appelle de ses vœux contre la réforme du Code du travail, qualifiée de « coup d'Etat social »?), cette rhétorique disions-nous s'attaque au cœur même du pacte démocratique: le respect du suffrage universel.


Elle emprunte à une tradition qui va de Jean-Jacques Rousseau au fameux « élections piège à cons » de mai-68 en passant par le bolchévisme, et qui prétend placer au-dessus du corps électoral (forcément manipulé) un prétendu « peuple » abstrait, magnifié, mythifié: le vrai peuple. Le tout visé par l'axiome de base de la pensée insoumise, répété de meeting en meeting, et dimanche encore par Mélenchon à Marseille: « Nous sommes le peuple. »


Eh bien non, personne, aucun parti n'est le peuple. Aucun tribun ne peut s'en arroger le monopole.

C'est là qu'est l'usurpation. Et la source des pires dérives. Car dire « nous sommes le peuple », c'est poser que ceux qui nous critiquent ou nous combattent ne sont pas des adversaires politiques mais des « ennemis du peuple ». Et l'on sait ce qu'il advient des ennemis du peuple dans des régimes fondés sur un tel dogme. Voyez le Venezuela de Nicolas Maduro, l'« ami » de Jean-Luc Mélenchon.