Le Figaro Premium - Travailleurs détachés: Macron dit stop aux dérives
La France entre en guerre contre les dérives du statut de travailleur détaché. Sous l'impulsion d'Emmanuel Macron, Paris fait une série de propositions visant à modifier la directive actuellement en discussion à un niveau européen.
Emmanuel Macron l'avait dit durant sa campagne, il l'a répété au début du mois de juin lors d'une visite aux chantiers STX de Saint-Nazaire, la directive européenne sur les travailleurs détachés sera prochainement «corrigée». Ce statut, qui permet à un salarié envoyé par son employeur à l'étranger de conserver la couverture sociale de son pays d'origine, pose problème: il est accusé de favoriser le «dumping social» entre entreprises. Il est particulièrement décrié en France, deuxième pays d'accueil après l'Allemagne, où en 2015 résidaient 286.000 salariés détachés. Un chiffre qui pourrait être vu à la hausse compte tenu de la fraude qui, selon les estimations, concernerait entre 200.000 et 300.000 travailleurs détachés illégaux. Un accord à ce sujet entre les pays membres de l'Union Européenne devait être conclu le 15 juin mais, Emmanuel Macron avait prévenu: il «sera décalé pour que nous puissions construire une vraie refondation de cette directive».
Il semblerait que le temps des propositions soit venu. Selon des informations du journal Le Monde, le gouvernement français a proposé une série de réformes visant à durcir la révision de la loi européenne, présentée par la Commission européenne en mars 2016 et discutée depuis au Conseil européen. Point essentiel de ces propositions: renforcer la lutte contre la fraude au détachement. Autre demande importante, déjà signifiée dans le programme du nouveau président de la République, la limitation à douze mois sur une période de deux ans du détachement. Le texte actuellement discuté prévoit une durée de vingt-quatre mois, sans empêcher les remises de compteurs à zéro lorsque le salarié retourne dans son pays d'origine. Insuffisant pour Emmanuel Macron, qui souhaite également le renforcement des «droits garantis» au travailleur détaché, avec notamment, l'intégration explicite des indemnités de «transport, d'hébergement et de repas» dans son revenu. Certains employeurs déduisent l'hébergement, le transport et la nourriture de la paie des ouvriers. La France réclame également la création d'une plateforme européenne de coordination gérée par la Commission pour que les inspecteurs du travail puissent mieux partager leurs informations sur les sociétés en situation de fraude. Sur le calendrier, Paris demande que le délai de transposition de la directive révisée dans les législations des États-membres ne prenne que vingt-quatre mois au maximum, contre trente-six mois prévus pour l'instant.
Une problématique qui divise les pays européens
La France peut compter sur le soutien de l'Allemagne, mais peut-être également sur celui de l'Autriche, de l'Italie et de la Belgique, pays particulièrement touchés par cette problématique. Toutefois, onze États membres (Bulgarie, République tchèque, Croatie, Danemark, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie) défendent avec vigueur le statut de travailleurs détachés. Pragmatiques, ils estiment qu'un nouveau texte nuirait à la compétitivité de leurs entreprises. Pour défendre leur position, ils brandissent le principe de la libre prestation de service au sein du marché commun.
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Localement, des présidents de région les Républicains, dont ceux de l'Île-de-France, des Hauts-de-France, de Normandie et d'Auvergne-Rhône-Alpes, tentent d'agir contre ces dérives. La «clause Molière», créée à Angoulême par l'adjoint aux finances de la ville, Vincent You, et mise en application dans les régions citées précédemment, vise à imposer l'usage du français sur les chantiers de construction dont les pouvoirs publics sont maîtres d'œuvre. Pour Laurent Wauquiez, président (LR) de la région Auverge-Rhône-Alpes, «il faut être clair, il s'agit d'un outil pour lutter contre les travailleurs détachés». Dans un sondage Ifop publié en mars dernier par Valeurs Actuelles, la «clause Molière» apparaissait comme étant largement plébiscitée par les Français. 80% d'entre eux y étaient favorables.
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