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lemonde.fr Par Olivier Faye


A Nice, Marine Le Pen attaque le « caractère » d’Emmanuel Macron


Devant près de 4 000 personnes, la candidate du FN, a accusé son rival, mercredi, de vouloir mener une « guerre éclair contre les travailleurs ».
A nice, le 27 avril, avant l’arrivée des militants au meeting de Marine Le Pen. LAURENCE GEAI POUR LE MONDE

Etrange campagne présidentielle, où la vérité d’un jour semble balayée celui d’après. Au soir du premier tour, le 23 avril, une certaine déception régnait dans le camp de la candidate du Front national, Marine Le Pen, qui s’est certes qualifiée pour le second tour, le 7 mai, mais qui n’a pas réussi à arriver en tête, devancée par le candidat d’En marche ! Emmanuel Macron.

Celui du parti Les Républicains, François Fillon, qui remontait la pente petit à petit, a même échoué à seulement un point de la députée européenne. « Encore une semaine ou deux, et la “remontada” de Fillon était possible », juge aujourd’hui un élu frontiste.

Cinq jours après cette soirée décevante, le paysage semble avoir changé, en apparence. Foin de morosité : en menant depuis lundi matin une campagne agressive contre l’ancien ministre de l’économie, Mme Le Pen parvient à instiller l’idée qu’une surprise – ou un accident – est encore possible dans ce match qui semble plié d’avance.
« Le banquier Macron »

Pour son premier meeting de l’entre-deux-tours, au Palais Nikaia à Nice, jeudi 28 avril, celle qui assure s’être mise « en congé » de la présidence du FN a continué à attaquer son adversaire sur tous les tons. Personnel, tout d’abord : « Emmanuel Macron est un banquier d’affaires. Il a le caractère pour cela, l’insensibilité qu’il faut à ce métier. Cette capacité à prendre des décisions dans le seul objectif du profit, de l’accumulation d’argent, sans aucune préoccupation pour les conséquences humaines de ses décisions. »

Politique, ensuite, quand elle a accusé son concurrent de vouloir mener une « guerre éclair contre les travailleurs » et de faire passer par ordonnances des « lois El Khomri puissance 1 000 ». Sur celui du complot, enfin, quand la fille de Jean-Marie Le Pen s’est demandée, à propos de celui qu’elle appelle « le banquier Macron » : « Qui est M. Macron, et quelle ambition sert-il réellement ? Nous avons non seulement le droit mais le devoir de prévenir les Français. » Plusieurs centaines de personnes parmi les 4 000 qui étaient présentes dans l’assistance criaient avant le début de son discours : « Macron, Macron, on t’encule ! »
Un exercice de communication au Grau-du-Roi

Face à celui qu’elle cherche à dépeindre en candidat prêt à « rayer d’un trait de plume les emplois, rayer d’un trait de plume l’avenir de centaines de familles, de gamins », la chef de file du FN est partie à l’assaut de l’électorat du leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a obtenu 19,6 % des voix au premier tour.

La candidate d’extrême droite ne cesse de glisser des références à son endroit. En 2012, l’ancien sénateur socialiste avait pour slogan, avec ses partenaires du Front de gauche, « l’humain d’abord ». Jeudi, Mme Le Pen assurait qu’il existe pour elle « une variable qui ne compte plus : celle de la vie des hommes ».

Les exemples de ce type sont légion. Le temps pas si lointain où la députée européenne accusait, avant le premier tour, M. Mélenchon d’être un « immigrationniste » ou de vouloir faire « exploser de 100 milliards d’euros les impôts » est révolu. Entre-deux-tours oblige.

Un peu plus tôt dans la journée, la députée européenne s’est adonnée au Grau-du-Roi, dans le Gard, à un pur exercice de communication. Elle a pris la mer de bon matin à bord d’un chalutier appartenant à un ancien candidat FN aux élections régionales de 2015. L’occasion pour elle d’adresser un message en faveur de la « pêche traditionnelle » contre les « règles absurdes qui nuisent au développement de cette activité ».

Le député du Gard, Gilbert Collard, grimé tel un capitaine Haddock, avec un bonnet bleu sur la tête et une pipe à la main, accompagnait la candidate dans cette pérégrination organisée sous l’œil des caméras. Interrogée sur cette propension à se mettre en scène, Mme Le Pen a répondu : « M. Macron est suivi en toutes circonstances par 2 000 journalistes. Je n’ai pas de leçons à recevoir de M. Macron dans ce domaine. »
Doutes

Pour convaincre de sa capacité à faire bouger les lignes, la candidate frontiste a en tout cas besoin d’un frémissement en sa faveur dans les enquêtes d’opinion. Ce qui ne se passe pas jusqu’à présent. Selon un sondage Harris interactive, publié jeudi, M. Macron l’emporterait le 7 mai avec 61 % des voix, contre 39 % pour Mme Le Pen. Des chiffres comparables à ceux révélés depuis le début de la semaine par différents instituts de sondage. Dans le camp de la présidente « en congé », on estime d’ailleurs que le fait d’obtenir 40 % des suffrages représenterait déjà un beau résultat.

La victoire dans moins de dix jours semble un horizon trop lointain aux yeux de certains frontistes pour une candidate partie avec seulement 21,3 % des voix au premier tour. La députée européenne se définit elle-même comme un « challenger ». « L’élection de M. Macron, ce serait, ou ce sera l’accélération de la submersion migratoire », a déclaré Mme Le Pen, jeudi soir lors de son discours niçois. Futur ou conditionnel : l’hésitation de la candidate en dit long sur les doutes qui la traversent.