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Rappel: Mathieu Laine : «Pourquoi je vote Macron après avoir voté Fillon à la primaire»

Mathieu Laine

 

 

TRIBUNE - Emmanuel Macron n'est pas l'héritier de François Hollande et il sera capable de réformer le pays, argumente le consultant\*.
Mathieu Laine

À quelques jours de l'élection présidentielle, certains hésitent encore, notamment parmi ceux ayant, comme moi, voté Fillon à la primaire. À l'heure du Going Dirty (David Mark) et des fidélités artificielles produites par des primaires enjoignant aux perdants de chaque camp de soutenir un vainqueur qu'ils n'approuvent guère, la tâche n'est pas aisée.

Les «affaires» Fillon auront évidemment perturbé cette élection. Si la présomption d'innocence doit être respectée, personne ne peut nier, a minima sur les faits reconnus - les costumes à 6500 euros pièce offerts par un influenceur peu scrupuleux par exemple -, la gêne et la déception. Les phrases «Qui imagine le général de Gaulle mis en examen?» ou «Il n'y a qu'une seule chose qui m'empêcherait d'être candidat, c'est si j'étais mis en examen» alimentent ce malaise et nourrissent, en miroir, la présomption de fragilité des engagements programmatiques, au demeurant adoucis, comme de sa capacité à emporter suffisamment l'adhésion pour réformer vraiment.

Qui mieux, à ce sujet, qu'un nouvel entrant non issu du Parlement pour, comme Macron le prévoit, contraindre les députés à payer leurs impôts, ne pas recruter de membres de leur famille, ne pas avoir de société de conseil ni cumuler plus de trois mandats dans le temps? Si Héraclès a su, en un jour, nettoyer des écuries souillées par trois mille bœufs pendant trente ans, c'est précisément parce qu'il n'était pas Augias.

La réaction d'un Fillon, humainement blessé mais allant trop loin en dénonçant le «gouvernement des juges» puis en flattant les bas instincts anticapitalistes pour avancer qu'ayant été «un banquier d'affaires», Macron n'était «pas le mieux placé pour faire des remarques sur son honnêteté et sa probité», jetant ainsi l'opprobre sur toute une profession, aura achevé de nous convaincre.

«Quant au quinquennat qui s'annonce, gardons-nous des caricatures.»

Quant au quinquennat qui s'annonce, gardons-nous des caricatures. Si Fillon nous invite à nous serrer la ceinture, sans toutefois parvenir à convaincre son probable futur premier ministre, non pas, hélas, l'authentique réformateur Henri de Castries mais l'anti-libéral sarkozyste François Baroin, vent debout contre la réduction du nombre de fonctionnaires, Macron, avec sa «société du travail», de la récompense des talents à l'égalité des chances, ambitionne que chacun se retrousse les manches.

Macron n'a, on le verra, rien d'un Hollande bis. Mais Fillon a bien compris que les nombreux parlementaires de son parti prêts à rejoindre une majorité de projet autour de son concurrent attendront le lendemain du premier tour avant de l'annoncer, histoire de conserver ouvertes toutes les options. En installant médiatiquement un signe «égal» entre Macron et le président socialiste, le candidat sarthois joue habilement sur un biais de confirmation alimenté par les inévitables soutiens médiatiques provenant d'abord, pour une simple raison de calendrier, d'une gauche raisonnable laissée orpheline par la victoire de Hamon avant d'être rejointe, plus tard, par les soutiens de droite. Mais en faisant cela, il sait, lui qui rêvait de travailler avec Macron, qu'il se ment à lui-même.

Car Emmanuel Macron connaît l'échec de vingt ans de réformes molles et compte bien mobiliser les réformateurs de tous les partis non pour refaire de l'eau tiède avec les mêmes mais pour réveiller les énergies autour de nouveaux visages. Macron s'inscrit ainsi dans une tout autre filiation, celle du général de Gaulle, qui condamnait ceux qui pensent faire «la France avec une fraction» et disait: «Quand le salut public est en cause, et il l'est, il y a un domaine d'action qui dépasse les partis.»
Emmanuel Macron attendant le début du dbat télévisé mardi soir - Crédits photo : Lionel Bonaventure/AP

Sur le fond, Macron président, en fossoyeur de frondeurs rejetés, grâce à sa réinvention des clivages, vers les extrêmes de chaque camp, pourra en faire bien plus qu'un Fillon otage des sarkozystes, méprisé par les juppéistes et regardé en coin par les wauquiezistes. Sans compter le concert de casseroles qui, même à tort, risque de tinter les cinq prochaines années. Qui imagine Thatcher partir aussi fragile à l'assaut des mineurs?

Si l'on peut regretter certains manques dans le plan de transformation du presque quarantenaire, en aucun cas Hollande n'aurait proposé la retraite à points, une stratégie fiscale dédiée à l'investissement, l'allégement des charges salariales et patronales, la possibilité de sortir des 35 heures par la négociation, la fin du paritarisme dans la gestion du chômage, l'autonomie dans les écoles et les universités, le retour des savoirs fondamentaux, la priorité à la lecture et à l'écriture, la réorientation de la formation professionnelle vers les métiers du nouveau monde, l'efficacité de la dépense publique via le numérique, le passage du budget de la défense à 2 % du PIB et le retour de la tolérance zéro comme de l'exonération des charges sur les heures supplémentaires…

«Plus Macron sera haut dès le 23 avril, plus les ralliés de la droite réformatrice seront réconfortés, et plus nos idées seront intensément portées»

Attention aussi aux fausses annonces destinées à abattre, comme le mythe des loyers fictifs ou de l'augmentation des droits de succession, que Macron n'a jamais proposées! Quant à la culture française, Emmanuel Macron s'en est clairement fait l'héritier, valorisant en patriote nos grands artistes sans nier les influences étrangères d'un Picasso, d'un Noureev, tout en redorant notre langue dont il fait de la maîtrise la condition d'acquisition de la nationalité.

La menace très sérieuse d'une présidence frontiste comme la dynamique ascensionnelle de la bulle Mélenchon imposent, surtout, un esprit de responsabilité. Plus Macron sera haut dès le 23 avril, plus les ralliés de la droite réformatrice seront réconfortés, et plus nos idées seront intensément portées.

* Président de la société de conseil Altermind, Mathieu Laine enseigne à Sciences Po et a publié le Dictionnaire amoureux de la liberté (Plon).

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 06/04/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici