JustPaste.it
alternatives-economiques.fr

 

Quelles conséquences aurait une sortie de l'euro pour la France ?

Christian Chavagneux

Voici une étude qui va assurément faire parler d’elle. Anne-Laure Delatte, directrice adjointe du Cepii, a analysé les conséquences d’une sortie de la France de la zone euro en faisant l’hypothèse que, dans ces conditions, la monnaie unique disparaîtrait. Plusieurs conclusions fortes en ressortent.

Tout d’abord, le franc dévaluerait vis-à-vis de quatre devises européennes (dont le mark) mais s’apprécierait vis-à-vis des autres. Ensuite, compte tenu de ces variations de taux de change différentes selon les pays, et en regardant de près quels biens et services la France échange avec quels partenaires, on peut montrer que le secteur agricole, le secteur manufacturier, les échanges financiers et d’information-communication seraient perdants, le secteur du tourisme gagnant. Enfin, une note complémentaire devrait montrer les effets sur les banques françaises 1.

4 dépréciations, 14 appréciations du franc

En tenant compte de plusieurs éléments (différence de productivité, poids dans les échanges…), les économistes calculent le niveau auquel devrait à peu près s’établir le taux de change d’un pays avec les monnaies de ses partenaires. Lorsque l’on effectue ce travail pour évaluer l’impact du retour au franc, Anne-Laure Delatte montre que notre devise est aujourd’hui surévaluée vis-à-vis de celle de l’Allemagne, de l’Irlande, des Pays-Bas et du Luxembourg... mais sous-évaluée vis-à-vis de tous les autres pays de la zone euro.

Le franc se déprécierait vis-à-vis de l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg mais s’apprécierait vis-à-vis de tous les autres pays de la zone euro

L’étude du Cepii ne détaille pas les raisons de cette situation mais on comprend que, compte tenu de ses très importants excédents commerciaux, il y aurait une forte demande de mark qui devrait s’apprécier fortement (l’Allemagne bénéficie aujourd’hui avec l’euro d’une devise sous-évaluée). Comme par hasard, les trois autres pays qui sont dans la même situation sont trois paradis fiscaux : des pays utilisés pour cacher des capitaux français et dont la monnaie serait sûrement fortement demandée pour les fuites de capitaux qui ne manqueraient pas d’intervenir.

Un effet incertain sur les échanges extérieurs

A partir de l’estimation des variations des taux de change du franc selon les pays, on peut regarder quels types de biens et services la France échange pour tenter d’en mesurer les conséquences sur notre commerce extérieur.

55 % de nos produits exportés deviendraient plus chers

Lorsque le franc dévalue par rapport au mark, nous gagnons en compétitivité sur le marché allemand, notre plus gros débouché extérieur (35 % des exportations de biens). Et en dévaluant également avec l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas, c’est au total 45 % de nos exportations vers la zone euro qui seraient plus compétitives. Mais en s’appréciant vis-à-vis des autres devises, 55 % de nos produits vendus deviendraient plus chers. Un effet sur les exportations plus important que celui sur les importations : la moitié (49 %) serait plus chère, l’autre moitié moins chère.

Lorsque l’on regarde ce que cela donnerait par secteur, on voit que le secteur agricole, le secteur manufacturier, les échanges financiers et d’information-communication seraient perdants, le secteur du tourisme gagnant.

Incertitudes

Cette étude conduit à deux certitudes. En cas d’éclatement de la zone euro, le franc ne dévaluerait pas vis-à-vis de toutes les devises étrangères, l’effet global sur les échanges extérieurs serait incertain mais il y aurait des effets très différenciés selon les secteurs.

Pour autant, trois incertitudes demeurent : l’ampleur des variations de change reste complètement incertaine, l’ajustement des entreprises (variations de leur prix, de leur marge) à la nouvelle donne est inconnu. Et, surtout, même si on peut tenter d’estimer l’impact de tout cela sur la richesse des Français – a priori très négatif selon une étude récente de Terra Nova – le bilan définitif est très difficile à faire.