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DSK, Thévenoud, Cahuzac, Fillon : j'ai cru en nos élus. On ne m'y reprendra plus

Chers élus,

Pas un jour ne se passe sans son lot de révélations, d'affaires, d'ouverture d'informations concernant notre classe politique et nous voici tous, de gauche comme de droite, tout aussi désemparés face à ce constat.

Depuis que nous sommes en âge de voter, on nous a répété que nous n'avions que les élus que nous méritions. Plus le temps passe, plus je me dis que c'est vous qui ne nous méritez pas.

Nous vous avons fait confiance, nous vous avons élus et nous voilà, comme dans un drame familial, à essayer de vous pardonner votre infantilisme, votre satanée impunité, votre infidélité à vos valeurs et à vos promesses, alors que vous êtes seuls responsables de la situation. Ce n'est plus une dispute ou un désamour, c'est un divorce sanglant qui se profile et j'en suis désespérée d'avance.

À bien y réfléchir, je ne sais plus vraiment quand tout cela a commencé pour moi. Comme dans une lente descente aux enfers, on sait qu'on dégringole mais on ne sait plus vraiment ce qui a provoqué la chute.

DSK, la prise de conscience

Disons qu'une grande partie de mes illusions a disparu avec les images de DSK, menottes aux poignets, reprises par les télévisions du monde entier. Peu importe aujourd'hui l'issue de cette affaire, elle a marqué le début de ma prise de conscience. Je voyais un homme extrêmement puissant, promis à de plus hautes fonctions encore si l'on en croyait les sondages, dont nous apprenions estomaqués les mœurs et les habitudes, tarifées ou non.

Et qu'on ne vienne pas prétendre que les politiques étant des hommes comme les autres, leur sexualité doit rester de l'ordre de l'intime. Si je ne veux pas d'une société à l'américaine, je ne peux pas imaginer avoir pour chef d'État un homme uniquement gouverné par ses envies sexuelles et je pèse mes mots, compte-tenu de la transaction signée avec Madame Diallo, qui est venue clore le dossier.

DSK tombait et je regardais avec fascination et répulsion les images de sa perpetrator walk dans New York. J'avais mis près de 40 ans à me réveiller.

La fracture française

Pourtant, il y avait eu des coups de canif dans le contrat social, des alertes, des moments où déjà, je m'étais demandé si j'avais toujours le même amour pour mes élus. Il y avait eu des révélations sur le passé et les amitiés douteuses d'un président, le suicide de son ancien Premier ministre, homme sans doute trop entier pour un système qui l'avait pulvérisé. Et que dire quand nous avions appris que ce même président avait été tout aussi bigame que nos rois d'antan avec leurs favorites ?

Mais il y avait eu 2002 et le sursaut de la France qui va voter comme un seul cœur. Je m'étais dit que notre idée de la République et de la nation était toujours forte et vivace. Je n'avais pas compris que cet élan d'une France unie serait quasiment le dernier.

Et puis il y a eu 2013 et une France en colère dans les rues. Même si je n'ai toujours pas compris comment des hommes, des femmes peuvent défiler avec leurs enfants pour empêcher des couples de se marier, il est certain que leur présence révélait une fracture, une France déchirée. Et cette déchirure a été pour moi le révélateur de la faillite de ces élites qui, par leur mollesse et leur incapacité à trancher, ont laissé des Français s'opposer à d'autres Français avec virulence, violence aussi dans les mots et les attaques. Une autre France différente mais tout aussi déchirée est revenue quelques années plus tard avec "Nuit Debout".

Cahuzac, les yeux dans les yeux ?

En même temps, nous apprenions que des élus, des ministres, nous mentaient avec application en nous prenant tout simplement pour des imbéciles. Ils sont nombreux, ces élus qui ont enfoncé le clou de mes désillusions et m'ont à chaque fois un peu plus poussée vers la sortie du bureau de vote.

Disons que je n'oublierai pas Thomas Thévenoud parlant de "phobie administrative" à des millions de Français qui savent que pour un papier oublié, on leur supprime les allocations ou la sécurité sociale. De même, je n'aurais jamais cru qu'un ministre pourrait mentir avec autant de vigueur dans l'hémicycle. Quelle dose d'aveuglement m'a-t-il fallu pour croire un mot de ce que nous disait Jérôme Cahuzac "les yeux dans les yeux"?

Ni la presse ni les juges ne sont coupables

Alors, comme le conjoint infidèle pris en flagrant délit de mensonge, vous autres élus, avez commencé à attaquer la presse, aux ordres ou bras armé d'un complot pour vous détruire. Vous étiez forcément innocents, et la presse coupable de calomnie. Nous avons vu d'ailleurs à quel point cette pseudo-défense a réussi à Jérôme Cahuzac. Et pourtant, c'est cette même défense que nous retrouvons chez François Fillon et ses soutiens.

Puis comme cela ne suffisait pas – car vous aviez bien conscience que nous commencions à ne plus croire à vos mensonges –, vous avez accusé les juges. Qui devraient avoir honte d'avoir interrogé un ancien président de la République, coupables de travailler trop vite. Quelle ironie pour l'avocate que je suis de voir la justice attaquée pour sa célérité, dans un pays régulièrement condamné pour la lenteur de ses procédures.

J'ai tant voulu vous pardonner, j'ai tant voulu y croire que j'ai voté jusqu'à dimanche dernier. On m'a tellement dit que c'était poujadiste de remettre en question les élus et leur comportement, ou plus encore de ne pas voter, que je ne me suis jamais interrogée sur le simple fait de voter. Je sais également que tant que les majorités se calculeront sur les suffrages exprimés, le vote blanc n'aura aucune utilité.

Pourtant aujourd'hui, comme des milliers d'autres je ne crois plus en vous, et je ne sais toujours pas si je trouverai le chemin du bureau d'ici au 23 avril prochain.

 

Source: leplus.nouvelobs.com