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5 informations fondamentales totalement éclipsées par le "Penelopegate"

 

1: La montée de l’écart (spread) de taux entre France et Allemagne pour les emprunts d’Etat à 10 ans 

Jean-Paul Betbèze : 70 points de base, 0,7%. En finance, la montée de l’écart (spread) de taux entre France et Allemagne pour les emprunts d’Etat à 10 ans est passée inaperçue, alors que c’est la façon dont les marchés financiers nous perçoivent et analysent notamment notre risque. La France s’endette actuellement à 1,08% à 10 ans (pour une inflation harmonisée à 0,8%) contre 0,38% pour l’Allemagne (pour une inflation à 1,9%). L’écart est ainsi de 0,7% hors inflation, contre 0,5% en début d’année et 0,2% début novembre. Trois phénomènes ont lieu depuis quelques mois et s’accélèrent : les taux longs montent partout, en liaison avec la reprise de la croissance et la remontée de l’inflation ;l’écart de taux s’accroît avec l’Allemagne, traduction de la montée du risque France ; pire enfin le taux réel France (taux nominal moins inflation courante) est de +0,3% contre -1,5% pour l’Allemagne. La France est perçue comme plus risquée, l’Allemagne toujours le pays le plus sûr de la zone.

Cette montée de l’écart des taux est surtout politique. Les marchés n’ont pas réagi quand, lors de la primaire de la gauche, Benoît Hamon avait esquissé l’idée de se rapprocher de l’Allemagne pour réduire, ensemble, la dette publique ! En français, il s’agit là d’un défaut souverain. Ce seul mot suffit à faire monter les taux, puisque le risque augmente, mais il n’a pas été repris par la suite. C’est heureux. Et souhaitons que ceci se poursuive. L’écart qui se creuse vient certes de l’incertitude politique qui monte (et qui pousse d’ailleurs à emprunter beaucoup avant les élections) et maintenant, dans l’esprit des marchés, de la possibilité d’une victoire de Marine Le Pen. Même si une telle probabilité paraît très faible, les marchés envisagent, depuis le Brexit et Trump, toutes les possibilités. Ils cherchent ainsi ce qui pourrait affecter les autres candidats, notamment Emmanuel Macron.

N’oublions pas les enjeux, derrière ces jugements et ces comportements : ils sont réels et importants. Chaque jour, pour "tourner", le Trésor emprunte en effet 800 millions d’euros, dont 250 viennent de notre épargne et le reste de nos amis Chinois, Japonais…, qui détiennent 60 % de notre dette. François Fillon est le candidat de la réduction de la dette, Emmanuel Macron aussi, mais c’est moins mis en avant. Ce n’est pas vraiment le cas pour les autres concurrents. Le spread qui augmente montre ainsi l’inquiétude qui monte, pendant que nous discutons d’autre chose. Il serait temps de revenir à l’essentiel et de parler des budgets prévisionnels, pour les cinq ans qui viennent, mis en avant par les divers candidats. N’oublions pas que notre déficit dépasse toujours le maximum prévu dans le cadre du Pacte de Stabilité et de Croissance (3% du PIB) et que viendra un moment où la BCE achètera moins de bons du trésor français. Ceci devrait commencer en janvier prochain et peser avant.

2: Le taux de chômage de la zone euro a atteint 9.6% au mois de décembre 2016.

Nicolas Goetzmann : Il s'agit là du meilleur résultat de la zone euro depuis le mois de mai 2009, c’est-à-dire depuis près de 8 ans. Le taux de chômage de la zone avait atteint son sommet au mois de juin 2013, soit 12.1%. Mais il y a encore du chemin à parcourir pour atteindre le plein emploi. La première étape sera de battre le taux le plus bas de la zone euro, atteint en mars 2008, avec 7.2% de chômage, et la seconde étape sera de rivaliser avec les chiffres américains, qui restent bien inférieurs à 5% de la population active.

Cette baisse du chômage en Europe est la conséquence de la politique monétaire menée par la BCE, ce qu'explique Mario Draghi : "Globalement, nous sommes satisfaits du positionnement monétaire que nous poursuivons maintenant depuis 2014. Il est de plus en plus clair que ce positionnement a été un succès (…) Dans l'ensemble, la zone euro a créé 4.5 millions d'emplois lors des trois dernières années".

Le premier élément à retenir, c'est que, malgré les nombreuses critiques dont Mario Draghi a fait l'objet, sa politique fonctionne. Parce que ce n'est évidemment pas l'austérité qui a créé des emplois, mais bien la politique de relance de la BCE. On peut cependant regretter que la démarche ne soit pas plus franche, et donc plus rapide. On peut prendre exemple sur le cas américain, parce que les Etats-Unis sont parvenus à créer 15 millions d'emplois entre la fin 2010 et la fin 2016 en mettant en oeuvre une politique analogue, mais plus vigoureuse encore. Il existe donc une forte marge de progression au sein de la zone euro. Il faudrait également que le débat politique puisse enfin se reporter sur ces questions monétaires, parce que lorsque les dirigeants évoquent le plein emploi sans évoquer les questions macroéconomiques, cela n'a pas beaucoup de sens.

Par contre, il faudra bien un jour se poser la question de la soutenabilité des divergences internes à la zone euro. Car entre la Grèce qui affiche encore un taux de chômage de 23% ou l'Espagne avec 18.4%, et l'Allemagne qui voit son taux de chômage atteindre 3.9%, il est pratiquement impossible de concilier les intérêts. Les pays du Sud ont besoin de plus de relance, l'Allemagne n'en a pas besoin, et commence à craindre une poussée inflationniste.

La baisse du chômage est donc une très bonne nouvelle pour la zone euro, même si celle-ci est trop tardive et encore trop timide ; mais il est fort probable qu'elle soit la cause de nouvelles perturbations politiques à venir.  

3: La Chambre des Communes a réaffirmé, en acte, la souveraineté du Parlement britannique

Edouard Husson : Empêtré dans la crise de sa propre représentation politique, notre pays n'aura pas fait attention à l'actualité politique britannique.  Mercredi 1er février, par 498 voix contre 114, la Chambre des Communes a accepté de débattre sur le texte de loi qui autorisera Theresa May, Premier ministre britannique, à demander officiellement la sortie de l'Union européenne. En quelques jours, la souveraineté du Parlement britannique a été solennellement réaffirmée. La Cour suprême britannique avait exigé que le projet de loi fût soumis au Parlement. Or certains responsables de l'Union espéraient encore que les parlementaires britanniques, qui avaient été majoritairement en faveur du "Remain", s'opposeraient au Brexit. C'était sous-estimer la fidélité de la Grande-Bretagne à sa propre tradition politique.

Conforté dans son rôle institutionnel central, le Parlement a décidé de respecter la volonté du peuple britannique. Hier, jeudi 2 février, Downing Street a ainsi pu publier son "Livre Blanc" sur le Brexit, qui édicte les axes principaux de la négociation britannique: retour à une politique commerciale nationale, contrôle renforcé de l'immigration, annulation d'une partie de la législation inspirée par les directives de la Commission européenne, maintien de l'ouverture large des universités britanniques aux étudiants de l'UE. En quelques jours, le Royaume-Uni vient d'effectuer la deuxième "Glorieuse Révolution" de son histoire (la première, en 1688, qui avait remplacé la dynastie Stuart par Guillaume d'Orange et réaffirmé les droits du Parlement contre toute tentation absolutiste). La cohésion de la classe politique britannique offre un contraste cruel avec le délitement de nos partis, à droite comme à gauche.

4: L'annulation de la conférence de Tariq Ramadan à Roubaix

Guylain Chevrier : Ce 4 février, la mosquée Bilal de Roubaix a programmé une rencontre dite "spirituelle" avec Hani Ramadan, prédicateur suisse et grand frère de Tariq. Dans une tribune publiée en 2002,  et intitulée "la charia incomprise", il juge que le sida est une "punition divine" et justifie la lapidation, en disant que comme "injonction divine" elle est "une forme de purification". Sur son blog, il prétend que c’est le sionisme qui a poussé la France à explorer la piste radicale après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher... En juin 2016, s’exprimant dans une école Suisse sur "l’islamophobie", il expliquait qu’une femme non voilée, c’était "comme une pièce de deux euros : visible pour tous, elle passe d’une main à l’autre". Des positions alors jugées "incompatibles avec les valeurs et la mission de l’école publique". Rappelons qu’il fait partie des invités du Congrès de l’Union des Organisations Islamiques de France, émanation des Frères musulmans, dont le Collectif contre l’islamophobie en France n'est pas bien loin, ce dernier multipliant les plaintes en "islamophobie" contre des intellectuels. Finalement, la rencontre de Roubaix a été annulée sous la pression. Le président LR de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, avait demandé lundi au préfet du Nord d'interdire cette conférence, s’ajoutant à la mobilisation de militants laïques avec l’association "Forces laïques" qui avait demandé au maire de la ville qu’il intervienne. Mélenchon, Macron, Hamon, aux abonnés absents. Une information qui n’a pas été jugée digne de faire la Une des grands médias, relayée par quelques-uns, en général, après l'interdiction, loin derrière l’affaire Fillon baptisée à présent "Pénélope-gate" ! On en oublie les dangers qui menacent notre vivre ensemble et la laïcité, enjeu pourtant fondamental de ces présidentielles. Décidément, il y a une hiérarchie de l’info qui en dit long sur l’état de notre démocratie, à tout le moins, malade de ses médias.

5: L'entrée en application de certaines dispositions de la loi de modernisation de la santé

1/ "La loi rénove le service public hospitalier et généralise l’engagement des établissements dans des projets médicaux communs de territoire".

2/ "L’ouverture (open data) des données publiques et un accès compatible avec le secret des données personnelles pour des recherches, projets d’étude et d’évaluation d’intérêt public. Ce projet de loi rend concrètes les valeurs de justice et d’efficacité dans un projet politique innovant pour la santé des Français au quotidien."

Stéphane Gayet : 1/ La loi de réforme hospitalière du 31 décembre 1970 avait créé la notion de "service public hospitalier" ou SPH, que les établissements de santé publics et certains établissements de santé privés à but non lucratif (dits participant au SPH ou PSPH) étaient tenus d’assurer. Le service public hospitalier comportait trois grands volets : l’égalité d’accès à des soins hospitaliers pour tous, l’égalité de la prise en charge hospitalière pour tous, et la continuité de l’accueil et des soins jour et nuit en milieu hospitalier. Mais la loi de santé dite "Hôpital patient santé territoire" ou HPST du 21 juillet 2009 a supprimé la notion de service public hospitalier, et créé pour la remplacer celle de "missions de service public", au nombre de 14 et pouvant être assurées par l’ensemble des établissements de santé publics et privés à but non lucratif (ces derniers étant des "établissements de santé privés d'intérêt collectif" ou ESPIC). Or, il s’avère que les Agences régionales de santé ou ARS ont fait preuve d’une particulière lenteur dans la mise en place des dispositions de cette réforme de 2009, pour des raisons que l’on peut comprendre, et que, de plus, lorsqu’elles ont été mises en place, ces dispositions ont contribué à rendre l’offre de soins peu claire pour les patients.

C’est pourquoi deux rapports ont été successivement commandés et rendus sur cette question : en 2013 (rapport d’Édouard Couty) et en 2014 (celui de Bernadette Devictor). Ces deux rapports ont été établis sur la base de groupes de travail et de réunions plénières associant largement des représentants des établissements de santé publics et privés, à but lucratif ou non. Ils ont préconisé la définition d’un service public hospitalier (SPH) rénové, reposant sur le respect d’un bloc d’obligations et ouvert à tous les établissements de santé, indépendamment de leur statut juridique.

Les prenant en compte, le service public hospitalier rénové de la loi de 2016 améliore l'accessibilité aux soins pour tous les usagers, quelles que soient leurs difficultés ; oblige les établissements de santé à une transparence de gestion ; rend obligatoire la participation des usagers à la gouvernance hospitalière ; donne des garanties de qualité et d'accessibilité des soins dans tous les territoires ; et prévoit de contraindre les établissements de santé à participer à des actions de coopération, en particulier au sein des communautés professionnelles territoriales de santé, ceci avec l’objectif d’insérer véritablement l’hôpital dans son environnement. De plus, ce SPH rénové n’exclut a priori aucun type d’établissement de santé, quel que soit son statut, dès lors qu’il s’engage à en respecter les obligations.

Cette réforme du service public hospitalier devrait ainsi contribuer, pour les usagers de la santé, à combler le fossé existant entre l’établissement de santé et les professionnels de santé en secteur extra hospitalier. Cette ancienne dichotomie entre l’hôpital et les professionnels de santé libéraux devrait dès lors diminuer, permettant en quelque sorte une désacralisation de l’établissement de santé, ainsi qu’un accès à lui plus facile, plus souple, plus sur mesure et plus transparent. Idéalement, la prise en charge des personnes malades devrait se faire, non plus soit à l’hôpital, soit en suivi libéral au cabinet, mais d’une façon conjointe par un système coordonné et interactif de coopération hospitalo-communautaire. Cette prise en charge devrait ainsi être plus fluide, plus sûre et plus agréable, dans le cadre de "parcours de soins" pilotés de façon pluriprofessionnelle et pluridisciplinaire. De plus, l’opposition entre hôpital public et clinique privée, quel que soit son statut, devrait encore s’amenuiser. On peut donc dire que cette disposition va dans le sens d’une meilleure prise en charge sanitaire des malades et qu’elle devrait tendre à réconcilier les usagers avec leur système de santé, tout en les responsabilisant bien davantage.

2/ Le constat établi par le rapport de Pierre-Louis Bras sur la gouvernance et l’utilisation des données de santé (octobre 2013) est celui de bases de données exceptionnellement riches, mais de règles d’accès trop complexes pour les données à caractère personnel et d’une publication en ligne insuffisante pour les données anonymes. La France dispose en effet de bases de données publiques nationales extrêmement complètes, issues notamment des remboursements par l'assurance maladie, pour l'ensemble de la population. Ces données, ainsi que d'autres, collectées par différentes institutions publiques, sont largement sous-utilisées.

Cette disposition de la loi de 2016 a pour but d’ouvrir l’accès aux données de santé. Car ces quantités gigantesques ("big data") d’informations peuvent parfaitement faire l’objet, avec les outils informatiques puissants dont nous disposons aujourd’hui, d’études statistiques très poussées, débouchant vers des découvertes médicales d’un immense intérêt. C’est même un devoir collectif que de valoriser ces données en les exploitant scientifiquement, pour le bien collectif, mais bien sûr toujours dans le strict respect de la vie privée des citoyens.

Ainsi, en ouvrant l’accès aux données de santé, la loi de 2016 encourage les chercheurs - publics ou privés -, les professionnels de santé, mais également les entreprises, start-ups ou grands groupes, à produire de la connaissance qui pourra ensuite bénéficier à la collectivité.

Parallèlement à cette disposition d’ouverture, ladite loi de modernisation de notre système de santé de 2016 prévoit de renforcer la sécurité informatique dans les établissements de santé. Ces derniers sont en effet souvent perçus comme encore trop vulnérables, en dépit du niveau élevé de sécurité déjà présent dans les gros hôpitaux que sont les centres hospitaliers universitaires (CHU). Mais, à côté de ces derniers largement pourvus en compétences et en ressources matérielles informatiques, les établissements de plus petite taille, et particulièrement ceux du secteur privé, ont encore trop souvent un niveau de sécurité inférieur à celui qu’il faudrait avec des données aussi sensibles. Cette disposition concernant la sécurité informatique comprend un renforcement logiciel et matériel de protection, et l’instauration d’un dispositif de vigilance informatique, s’inscrivant idéalement dans une culture institutionnelle de sécurité numérique.

Il est clair que les travaux de recherche qui seront rendus possibles par l’ouverture des données de santé à de nombreuses équipes de recherche - tant publiques que privées - vont faire nettement progresser les connaissances scientifiques et médicales françaises. Cela devrait contribuer à améliorer la performance de notre offre de soins, sur tous les plans. On peut même en attendre réellement un essor décisif. Car les compétences françaises en recherche scientifique sur les bases de données gigantesques sont très nombreuses et beaucoup d’équipes attendaient depuis longtemps l’ouverture de cet accès. Les retombées sur l’offre de soins devraient commencer d’ici une dizaine d’années. Mais il y a le revers de la médaille : certains usagers de la santé seront forcément inquiets de cette ouverture des bases de données médicales aux équipes de recherche diverses et variées. La sécurité sera certes renforcée, nous l’avons dit, mais la sécurité totale n’existe pas. Il y aura toujours un risque de piratage comme de mésusage de ces données. C’est le prix à payer pour doper la recherche médicale. Professionnels de santé, chercheurs et usagers devront pour cela se montrer tous très vigilants, car la réactivité permet en partie de pallier les défauts de sécurité.